Nous sommes à la fin du IIIe siècle avant notre ère, en Egypte, sous le règne du pharaon Ptolémée III dit Evergète "le bienfaiteur". Le grec Eratosthène est directeur de la grande bibliothèque d'Alexandrie, il est aussi, géographe et mathématicien.
Il ne regarde pas la TV et il s'intéresse davantage au soleil, à la lune, aux étoiles, aux ombres, aux angles et à ses compatriotes, (Thales, Pythagore ...).
A la demande du Pharaon "Evergète", il va rechercher une méthode pour mesurer la circonférence de la terre.
Evergète mourut sans savoir la grandeur de la terre sur laquelle il avait vécu quelque soixante années. Sans savoir non plus comment Eratosthène comptait s'y prendre pour la calculer.
Une sphère, des angles, des ombres, un arc de cercle.
Eratosthène : "Si je connais la valeur de l'angle C et la distance entre les villes A et B, je peux calculer la circonférence de la terre.
A chaque ville, je dresserai un gnomon et le même jour à midi, je mesurerai l'ombre des deux gnomons.
A midi exactement.
Les deux villes se trouvant sur le même méridien, le soleil culminera au même instant, il sera donc midi simultanément dans les deux lieux.
angle C = angle B - angle A
connaître cet angle, c'est connaître la circonférence de la terre.
La ville A, ce sera Alexandrie et la ville B ce sera Thèbes.
- Et comment mesure-t-on la distance d'Alexandrie à Thèbes ? demanda Théo, (l'assistant d'Eratosthène).
- En suivant le Nil et avec un Bématiste, répondit Eratosthène.
C'est ainsi qu'Eratosthène, Théo son assistant et Béton le Bématiste entreprirent en remontant le Nil de mesurer la distance entre Alexandrie et Thèbes, avec l'aide et les finances de Ptolémée IV Philopator "celui qui aime son père", qui avait succédé à Evergète.
Tout baignait, jusqu'au jour où Béton, victime d'un accident, fut contraint de se reposer pendant une semaine.
Et voici qu'un matin, Béton interpella Théo :
- "Dis, Théo, maintenant qu'on a un peu de temps, tu ne voudrais pas me dire pourquoi je marche ?
Enfin pourquoi j'ai marché jusqu'à présent ?
- Comment cela, pourquoi tu marches ? demanda Théo.
- Oui, peux- tu m'expliquer à quoi cela va servir... tous ces pas...
- A mesurer la terre ! répondit sèchement Théo.
- Merci, je l'avais compris, je te demande comment tous ces pas vont servir à mesurer la terre."
Et une heure plus tard, malgré les explications de Théo, Béton n'en savait pas plus. : "Je ne sais pas ce que j'ai compris, mais je sais que je n'ai rien compris à ces deux angles. Un à Alexandrie, d'accord? L'autre à Thèbes. Pourquoi à Thèbes ?
Théo se leva, excédé :" Tu ne comprends rien, rien de rien ! Voilà pourquoi tu marches, parce que tu es incapable de comprendre ce genre de choses."
Béton le regarda, peiné. Théo s'éloigna puis revint au bout d'un moment : " Si je crie, c'est parce que moi-même je n'ai rien compris. Si j'avais compris, je serais capable de te l'expliquer."
Plus tard, Théo se décida à parler à Eratosthène :
- Je vais vous raconter l'histoire du célèbre Eratosthène, directeur de la grande bibliothèque d'Alexandrie qui mesura la terre. Il inventa une méthode magistrale. Ses mesures d'ombres, il les effectua... je ne me souviens plus du jour précis, mais cela n'a pas d'importance, car il aurait pu les faire n'importe quel autre jour. Quant à sa mesure de distance, il la commença à Alexandrie et la termina à ... Thèbes à moins que ce soit à Apollônospolis ... où ailleurs.
Et se tournant vers Eratosthène :" Vous croyez que cela incite à s'intéresser à votre mesure ? "N'importe quand", "n'importe où".
"Tu n'as rien compris Théo, s'écria Eratosthène. C'est tout l'intérêt de ma méthode, elle s'applique en toutes situations. "N'importe quand", oui ! "N'importe où" oui ! Voilà précisément ce que les savants recherchent, des méthodes générales !"
L'argument était fondé, mais il ne satisfaisait pas Théo.
-J'en ai longuement parlé avec Béton, dit ce dernier. Eh bien, il n'a rien compris. Et pourtant, il est impliqué, dans cette affaire, et je vous assure qu'il voulait vraiment comprendre. D'ailleurs, moi non plus, je ne comprends pas. C'est trop compliqué.
Vous voulez que je vous dise ? vos deux angles, eh bien, il y en a un de trop !
-Un de trop, un de trop ! s'étouffa Eratosthène.
C'est trop fort ! il y a un angle de trop dans ma méthode !
Ma méthode est juste et c'est tout ce qui compte.
-Non ce n'est pas tout ce qui compte, hurla Théo. Si vous voulez qu'on s'en souvienne, la première mesure de la terre doit être simple.
Non sans réticence, Eratosthène dut admettre que les arguments de Théo concernant sa méthode étaient de bon sens.
Béton était à nouveau "sur pieds" et avant de reprendre sa marche en compagnie de Théo, Eratosthène les réunit et leur tint le discours que voici : "Dans la ville de Syène, juste au-dessous de la grande cataracte, se trouve un puits où, une fois dans l'année, à midi précis, le Soleil, comme un glaive de feu, pénètre jusqu'au fond du trou et éclaire l'eau fraîche des profondeurs."
"Le jour dont je parle est le jour du solstice d'été, le jour le plus long de l'année. Si le soleil parvient à éclairer le fond du puits à midi, cela signifie que ses rayons sont verticaux. S'ils sont verticaux, le soleil ne fait pas d'ombre. Et s'il n'y a pas d'ombre, pas besoin de la mesurer.
Donc, une seule mesure suffira ! celle que fait le soleil à midi à Alexandrie, le jour du solstice d'été."
Et Eratosthène ajouta : " Théo voulait un seul angle, il l'a !"
Cette mesure effectuée plus de deux siècles avant notre ère attribue à la terre une circonférence de
39 600 kilomètres.
Aujourd'hui des méthodes plus précises donnent 40 000 kilomètres.
Cette belle histoire de calcul est extraite du livre de Denis GUEDJ : Les cheveux de Bérénice.
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